L'éthique - Comment prendre une décision respectant un code déontologique professionnel
J'avais entrepris de commencer un blog pro pour y partager mes expériences de chef de projet et avait préparé un premier article. Or les événements tragiques de l'actualité on impacté de manière notable mon travail, et il m'est apparu judicieux et même nécessaire en ce temps troublé de commencer par un autre article qui je l'espère sera d'une qualité suffisante compte tenu du peu de temps de préparation que j'ai pu y consacrer.
Ma décision de ne pas travailler avec les pays qui font l'apologie du terrorisme en soutenant les crimes abominables de l'organisation terroriste hamas
J'aime autant préciser d'entrée ma décision et expliquer comment j'ai mené cette réflexion avec quelle démarche et quels outils.
Cela a été peu évident car c'est la première fois que je suis amené à le faire.
J'ai bien pris soin avant de me décider d'agir dans la réflexion et m'astreindre à un maximum de professionnalisme, en gardant bien à l'esprit l' éthique qui sous tendait toute ma démarche.
En prenant cette décision je suis bien conscient que j'impacte mon employeur, mais que je suis aussi acteur du monde où je vis et que j'agis en accord avec ma conscience en tant que personne, mon intégrité en tant que citoyen, ma probité en tant que professionnel et ma loyauté envers mon employeur.
PMi donne des outils
PMi produit deux documents visant à encadrer notre conduite de chef de projet :
Un Code de Déontologie et de Conduite Professionnelle
Je me concentrerai ici sur ce second document qui est un guide d'évaluation et d'application d'une décision déontologique qui s’articule en 5 étapes :
- Questionner la problématique éthique
- Identifier les différentes options
- Evaluer la pertinence de la solution
- Evaluer la valeur éthique de la solution
- Prendre sa décision et assumer sa position
1 - Questionner la problématique éthique
PMi parle de dilemme. Je ne souscrit pas totalement à ce terme qui est à mon sens trop spécifique et renvoie à des options d'égales valeurs, de choix cornélien.
La décision éthique peut relever d'une évidence, si par exemple un client pose une valise de billets sur le bureau pour gagner un contrat, il n'y a aucun dilemme : il s'agit d'une évidente tentative de corruption dont le choix éthique ne se discute pas et il est urgent de passer à la seconde étape.
Une problématique éthique peut être plus délicate à identifier et devenir un dilemme, PMi exprime ainsi cette réflexion "Évaluation : assurez-vous de connaître tous les éléments relatifs au dilemme éthique."
Il s'agit ici d'identifier les critère éthiques, ceux propres à notre activité, ceux de notre entreprise et des parties prenantes, et les aspects légaux et personnels.
Etude de cas : Dans le cas qui me préoccupe, il y a une attaque terroriste dans une région du monde en guerre depuis plus d'un siècle pour des territoires contestés, une typologie de problématique largement présente dans le monde qui cependant atteint ici des sommets dramatiques . Le problème de fond est donc complexe, ancien et toujours sans solution. Je ne vais pas prendre en compte ce sujet comme référence car à l'évidence il dépasse tout le monde. Cela sera un paramètre mineur dans ma prise de décision : il ne pourra pas orienter mon choix.
Reste l'acte en lui même. Un attentat terroriste , une abomination, des familles entières massacrées, les bébés découpés, les femmes violées, et les terroristes qui appellent les parents avec les téléphones portables des victimes pour leur monter leurs enfants et leurs petits enfants massacrés.
La condamnation en France est quasi unanime, le président de la république a "rappelé la nécessité pour tous de condamner sans équivoque les attaques terroristes perpétrées par le hamas en Israël"
Ceux qui en France soutiennent l'organisation terroriste son passibles de poursuites au titre de l'article Article 421-2-5 du code pénal pour apologie d'acte terroriste.
Dans le monde si la France, l'Europe et les USA condamnent fermement et sans conditions l'attaque terroriste, une poignée de pays qui eux soutiennent cette monstruosité. En font partie sans surprise l'Iran, l'Afghanistan et la Syrie , et également la Tunisie que je ne pensais pas voir dans cette liste.
Je n'ai pas vu de réaction officielle de la France vis à vis de la Tunisie , comme par exemple il y a eu contre la Russie et dont les entreprises comme Renault ou Auchan on du quitter le territoire.
Questionner la problématique éthique : Me concernant je travaille régulièrement avec une entreprise en Tunisie et sans réaction formelle des autorités Française et de mon entreprise je m'interroge donc sur ma position vis à vis de la Tunisie et de la pertinence de poursuivre mes activités avec ce pays ou pas.
Source : Le Figaro
2 - Identifier les différentes options
PMi indique dès la première étape de questionnement de recueillir des avis, "s’il ne respecte pas la loi, sollicitez un avis juridique" et "en cas de doute, vous devrez sans doute rassembler davantage d’éléments ou demander conseil à une personne de confiance."
Cette vision ne prend pas en compte le fait que la question éthique est de la responsabilité de l’individu, les conseilleurs ne sont pas les payeurs, et depuis Nuremberg nous savons qu'il n'est pas possible de se retrancher derrière un ordre où de suivre le fonctionnement global d'une organisation pour se couvrir.
En matière de corruption par exemple, il n'a pas de doute réel sur la nature illicite de la manœuvre. Demander conseil ne fera pas changer son appréciation : ici ce n'est donc pas une démarche pertinente. Il faudra bien sur avertir sa hiérarchie pour partager la pression spécifique et ne pas être seul à la subir venant de personnes ou d'organisation dont on cerne mal les limites : jusqu'où peuvent ils aller ?
Pour ne pas dénaturer l'analyse personnelle, l'étape suivante consacrée à valider la décision questionne la liberté dans sa prise de décision. Or prendre conseil oriente et le recours à l'expertise (si nécessaire) devra se faire en se réservant sa prise de décision individuelle de façon exclusive : je ne pourrai pas me retrancher derrière un avis d'expert. La communication extérieure ne pourra donc se faire réellement que lors de la dernière étape, pour rappel dans le projet la communication fait partie de l'action.
Etude de cas : L'inaction est l'option la plus facile, nier l'existence d'une problématique est le prémisse à cette décision.
Or j'ai clairement identifié une problématique : un attentat terroriste et le soutien à l'organisation terroriste qui l'a perpétré, par un pays avec qui je travaille dans le cadre de mes activités professionnelles.
Au vu des réactions au plus haut sommet de l'état en France, j'ai peu de doute sur l'aspect condamnable concernant cet acte terroriste et concernant le soutien de certains états aux terroristes.
Reste ma position vis à vis des entreprise en Tunisie, le gouvernement Français n'ayant à priori pas pris de mesures contre cet état comme il l'a fait à l'égard de la Russie, et mon constat de voir dans mon entreprise les échanges se poursuivre avec ce pays.
Il n'y a pas de mesure visible prise par ma société.
Première option : je poursuis mon activité comme l'ensemble de mes collègues. C'est pour moi nier l'existence de la problématique d'un crime terroriste et de son apologie : je ne peux y souscrire.
Deuxième option : je demande conseil , considérant d'une part que j'ai une analyse solide de la situation cela n'a pas d'objet, et d'autre part si cela devait aboutir à la première option ce serait en quelque sorte me couvrir par voie hiérarchique ou par ce conseil pour une décision qui au final m'engage seul. Cette option est donc sans objet.
Troisième option : je décide de cesser toute activité avec la Tunisie, j'en informe mon employeur et nous voyons ensemble comment gérer cela.
3 - Evaluer la pertinence de la solution
PMi donne une série de questions qui permettent d’évaluer la solution envisagée :
"Votre décision aura-t-elle une influence positive ou permettra-t-elle d’éviter tout préjudice ?"
et cite ensuite un ensemble de personnes et organisations potentiellement impactées par la décision , parmi les plus concernées j'identifie : "clients, employeurs, environnement, différentes cultures, générations futures".
"Cette décision semblera-t-elle une bonne idée dans un an ?"
"Dans quelle mesure êtes-vous: libre de prendre cette décision ? calme pour prendre cette décision ? "
Dans le cas de corruption ma liberté de décision peut être limitée si je suis menacé
Etude de cas : Doit-on remettre en cause avec tous ceux qui s'expriment clairement contre le terrorisme et ceux qui le soutiennent qu'il est de notre devoir de dénoncer l'abject ?
Et de questionner le choix pour une entreprise de travailler avec un pays étranger : quels principes éthiques ont participé à cette décision ? Sont ils toujours d'actualité ?
Le refus pour un ou des employés de travailler contre le choix de son entreprise impacte forcément les affaires en cours mais quid de l'image d'une entreprise sur le long terme s'il est avéré qu'elle a passé sous silence sa relation avec un pays étranger qui soutient des faits criminels de terrorisme ?
Le choix de se démarquer de son entreprise en refusant de travailler avec un pays qui soutient le terrorisme pose la question de la loyauté à l'entreprise mais est une décision d'éthique personnelle qui est en plus conforme à ce qu'à exprimé la France au plus haut niveau de l'état. Il n'est pas question de négocier sa position éthique mais de la faire connaître.
Par rapport aux collègues tunisiens avec qui je travaille habituellement il n'y a pas de considération individuelle, peut être rejettent ils comme moi ces actes et le soutien de leur pays au terrorisme , peut être pas. D'ailleurs, j'ai sans doute des collègues en France qui eux ne partagent pas mes valeurs et ne voient pas les choses comme moi. La question n'est donc pas dans le rapport à mes collègues, en France ou en Tunisie, mais par rapport à l'état,à l'entité politique qui a a émis un avis et c’est uniquement contre cela que je m'exprime et contre le constat que je fais de mon entreprise qui continue à travailler avec ce pays.
Les deux questions qui m'apparaissent ici les plus pertinentes concernent les générations futures et ce que j'en dirai dans un an. Ici je vais même me placer dans 10 ans. L'organisation globale derrière ces crimes (les frères musulmans) est aussi implantée en France, et le terrorisme islamique ayant déjà frappé notre pays, je ne souhaite pas que dans le futur nous ayons a subir les mêmes exactions qu'en Israel, mon refus de poursuivre la collaboration avec la Tunisie soutien des terroristes est également fondée sur cette considération.
L'information est abondamment disponible sur le sujet ce qui m'amène une liberté totale de décision.
Le calme de la décision est directement lié au point précédent, les faits sont caractérisés , identifiés pénalement et ralayés comme inacceptables par les plus hautes autorités de mon pays.
Reste l'inapplication de ces principes au niveau de l'entreprise qui m'amènent à avoir individuellement un positionnement plus conforme et aligné sur les réactions de notre représentation démocratique
Ma solution m’apparaît pertinente : Je refuse catégoriquement de collaborer avec un état qui soutient ouvertement les crimes abominables de terrorisme commis par le hamas, alors que des enfants et leurs parents ont été massacrés et d'autres sont toujours retenus en otages et menacés de mort, et parmi eux de nos compatriotes.
4 - Evaluer la valeur éthique de la solution
PMi questionne à cette étape :
"Dans quelle mesure votre décision respecte-t-elle les valeurs :
- de responsabilité ?
- de respect ?
- d’impartialité ?
- d’honnêteté ?"
Etude de cas :Il devrait être du devoir de tous de dénoncer l'abject, et d'exprimer son refus de collaborer avec ceux qui font l'apologie d’assassinats racistes, ici antisémites, de civils. Les questions de responsabilité et de respect sont ici adressées directement.
Concernant l'impartialité et l'honnêteté, mon analyse va partir de la déclaration de la présidence de Tunisie
Il n'est fait a aucun moment mention des personnes attaquées dans leurs maisons, des familles massacrées . Sont cités les différents massacres d'Arabes lors des précédents conflits Israelo-Arabes remontant à 1948, sans mentionner les massacres de Juifs, ni que la diplomatie d'alors réprouvait ces massacres qui n'étaient pas cités en exemple à suivre. Ce texte termine en bafouant les victimes ignorées dans cette déclaration en revendiquant pourtant des valeurs humaines.
Cette déclaration est une justification des crimes terroristes et factuellement un appel à ce que cela se reproduise.
C'est l'exemple d'une déclaration que n'est ni impartiale, ni
honnête, qu'elle est un problème également pour ceux des Tunisiens qui ne se reconnaissent ni dans les crimes terroristes ni dans cette déclaration qu'a partir de ce constat c'est un devoir de respect pour les victimes de ne pas la soutenir.
PMi soulève à cette étape la question globale de "réexaminer les conséquences" . C'est un examen plus large de l'impact puisqu'on en vient à l'impact sur soi même.
Le fait de corruption peut envoyer son auteur en prison au delà du préjudice qu'il cause à l'entreprise et globalement à la société.
Cette question : "qu'est-ce que je risque ?" est extrêmement importante.
Etude de cas : "qu'est-ce que je risque ?"
Avec un professeur assassiné cette semaine en souvenir de Samuel Paty, prendre parti contre une nébuleuse islamiste est clairement une prise de risque pour sa vie.
Et pourtant, déclarer ne pas vouloir collaborer avec un état faisant l'apologie du terrorisme est il un risque plus grand que d'avoir 20 ans dans l'armée Israélienne et d'entrée dans Gaza pour libérer des familles otages de terroristes ?
Je constate qu'a coté de messages que des célébrités ou des anonymes font de façon sélective sans condamner le terrorisme, l'immense majorité de la représentation démocratique de la France s'honore en dénonçant fermement le terrorisme, sans faux semblant.
C'est ce que je fais simplement ici, et que si je suis seul je suis potentiellement une cible, mais si nous sommes nombreux ils ne peuvent pas tous nous éliminer, sachant surtout qu'une volonté farouche de défendre l'humain nous anime et que face à l'horreur nous nous défendons
5 - Prendre sa décision et assumer sa position
PMi nous dit : "Si vous assumez votre décision, passez à l’action"
Etude de cas :J'ai annoncé ma décision à ma hiérarchie et je ne travaille plus sur les projets avec la Tunisie.
J'espère qu'au delà mon entreprise partagera mon analyse et considérera qu'elle ne peut être acteur et soutien même indirect d'un pays qui fait l'apologie du terrorisme et s'en désengagera.
Et puisse cela influer sur la pensée officielle délivrée par la Tunisie à propos de ces massacres, ce qui reste mon souhait le plus cher de les voir rejoindre le monde qui aime la vie.



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